Loi de sécurisation de l'emploi (2/2)

Lors de la conférence sociale de juillet 2012 était reconnue la nécessité de concilier sécurité des salariés et flexibilité des entreprises, passant par plus de dialogue social. Les partenaires sociaux négociaient et concluaient le 11 janvier 2013 un Accord National Interprofessionnel, sur la base duquel un projet de loi était soumis aux parlementaires. Après de nombreuses heures de débat, la discussion de multiples amendements, un recours constitutionnel... la loi n°2013-504 relative à la sécurisation de l'emploi était promulguée par le Président de la République le 14 juin 2013 et publiée au J.O. du 16.

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La loi de sécurisation de l'emploi en 27 articles apporte certaines modifications significatives au droit du travail actuel. Nous vous présentons dans cet article celles des réformes qui auront le plus grand impact sur les employeurs de la branche du sport.

Sont évoquées dans cette seconde partie les nouveautés et modifications ayant trait à la procédure prud'homale, au maintien dans l'emploi et au licenciement économique.
 

LES NOUVELLES REGLES APPLICABLES EN MATIERE PRUD'HOMALE (ARTICLE 21)

Modification des règles relatives à la prescription

La loi modifie certaines règles en matière prud’homale afin d’en renforcer l’efficacité et modifie deux délais de prescription, jusque là soumis à une prescription quinquennale, en les raccourcissant.

- Les actions relatives à l’exécution ou la rupture d’un contrat de travail (art. L. 1471-1 c. trav.) :

Toute action portant sur l’exécution ou la rupture d’un contrat de travail  se prescrit, depuis le 14 juin 2013, par deux ans à compter du jour où la personne qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d’exercer son droit.

Attention : ce délai de deux est expressément écarté par la loi pour les actions :

- en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat (10 ans) ;

- en paiement ou en répétition des salaires (3 ans) ;

- en réparation du préjudice causé par une discrimination (5 ans) ;

- en  réparation d’un préjudice causé par un harcèlement moral ou sexuel (5 ans).

Par ailleurs, il ne s’applique qu’à défaut d’un délai spécifique de prescription plus court.

Les actions en rappel de salaires ou en répétition (art. L. 3245-1 c. trav.) :

Le délai prévu pour agir en paiement ou répétition des salaires est désormais de trois ans à compter du jour où la personne qui exerce l’action a connu ou aurait dû connaître les faits qui lui permettent d’exercer son droit.

Il est précisé que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter du même jour. Lorsque le contrat de travail est rompu, la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture.

Application des nouveaux délais :

Les instances introduites avant la promulgation de la loi (avant le 14 juin 2013) sont jugées conformément à la loi ancienne, y compris en appel et en cassation.

Les nouveaux délais cités ci-dessus  s’appliquent aux prescriptions en cours au 14 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.



Rénovation de la conciliation prud'homale

Alors que la conciliation prud’homale (préalable obligatoire) ne rencontre jusqu’à présent qu’un faible taux de succès, la loi de sécurisation de l’emploi l’a rénovée pour tenter de lui faire prendre un nouvel essor.

L’article L. 1235-1 nouveau du Code du travail, qui se situe dans un chapitre intitulé « Contestations et sanctions des irrégularités du licenciement », dispose désormais que :

« En cas de litige, lors de la conciliation prévue à l'article L. 1411-1, l'employeur et le salarié peuvent convenir ou le bureau de conciliation proposer d'y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l'employeur au salarié d'une indemnité forfaitaire dont le montant est déterminé, sans préjudice des indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles, en référence à un barème fixé par décret en fonction de l'ancienneté du salarié.
Le procès-verbal constatant l'accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues au présent chapitre (…) ».

Ainsi, dans les litiges relatifs à la contestation d’un licenciement, pour favoriser le rapprochement des parties, la loi prévoit l’élaboration par décret d’un barème forfaitaire, fonction de l’ancienneté du salarié.

Un décret n°2013-721 du 2 août 2013, publié au J.O. du 7 août 2013 s’inspire de l’ANI du 11 janvier 2013 et fixe le barème suivant :

-    Pour une ancienneté chez l’employeur inférieure à 2 ans : 2 mois de salaire ;

-    Pour une ancienneté chez l’employeur comprise entre 2 et moins de 8 ans : 4 mois de salaire ;

-    Pour une ancienneté chez l’employeur comprise entre 8 et moins de 15 ans : 8 mois de salaire ;

-    Pour une ancienneté chez l’employeur comprise entre 15 et 25 ans : 10 mois de salaire ;

-    Pour une ancienneté chez l’employeur supérieure à 25 ans : 14 mois de salaire.

Ce barème devrait toutefois rester indicatif ; selon le rapport de l’Assemblée Nationale, « un accord peut aussi être trouvé en dehors du barème ».

Ce nouveau dispositif pourrait tirer avantage de ses régimes social et fiscal attractifs. En effet, en matière fiscale, ces indemnités sont exonérées d’impôt sur le revenu sans limitation de montant, à la différence de l’indemnité transactionnelle classique (art. 80 duodecies, 1, 1° CGI nouveau). La situation est plus incertaine pour le régime social dans la mesure où la loi ne contient aucune disposition particulière à ce sujet ; il conviendrait donc d’appliquer les principes généraux (art. L. 242-1 al. 12 CSS).

 

LE MAINTIEN DANS L'EMPLOI
 
Toujours dans l’optique d’aider les entreprises à faire face au contexte économique actuel, tout en sauvegardant les emplois, la loi introduit plusieurs outils de flexibilité, plutôt à destination des grandes entreprises.

Les entreprises confrontées à de graves difficultés conjoncturelles peuvent conclure un accord de maintien dans l’emploi leur permettant d’aménager le temps de travail et la rémunération des salariés en contrepartie de l’engagement de l’employeur de maintenir l’emploi pendant la durée de l’accord. En outre, la loi simplifie le recours au dispositif de l’activité partiel (remplaçant le chômage partiel) et permet de gérer les mobilités internes par des accords ad hoc.



Les accords de maintien dans l'emploi (article 17)

La loi prévoit qu’ « en cas de graves difficultés économiques conjoncturelles dans l’entreprise dont le diagnostic est analysé avec les organisations syndicales de salariés représentatives, un accord d’entreprise peut, en contrepartie de l’engagement de la part de l’employeur de maintenir les emplois pendant la durée de validité de l’accord, aménager, pour les salariés occupant ces emplois, la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération » (art. L. 5125-1 C. trav.).

L’objectif de ces aménagements est d’éviter des licenciements économiques.

La loi précise que le diagnostic sur les graves difficultés économique est établi avec les organisations syndicales représentatives. Ces dernières peuvent être accompagnées dans cette analyse et dans la négociation par un expert-comptable mandaté par le CE.

En contrepartie des efforts demandés au salarié, l’employeur doit s’engager à maintenir les emplois pendant la durée de validité de l’accord. Il s’interdit donc de procéder au  licenciements pour motif économique des salariés concernés par les aménagements de l’accord.

L’accord ne s’applique qu’aux salariés qui l’acceptent. En cas d’acceptation, les clauses du contrat de travail incompatibles avec l’accord sont suspendues. Si un ou plusieurs salariés refusent, l’employeur peut engager une procédure de licenciement individuel pour motif économique (indépendamment du nombre de salariés concernés).

L’accord de maintien dans l’emploi doit être négocié au niveau de l’entreprise avec les délégués syndicaux (DS). A défaut de DS, un ou plusieurs élus du personnel expressément mandatés à cet effet par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche dont relève l’entreprise ou, à défaut, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel. Cette procédure est ainsi distincte de la négociation dérogatoire possible dans les entreprises dépourvues de DS. En l’absence d’élus, un ou plusieurs salariés expressément mandatés à cet effet par les organisations syndicales représentatives (les mêmes que pour le mandatement des élus).

Les accords de maintien dans l’emploi sont des accords transitoires : leur durée est déterminée et ne peut excéder deux ans.



L'activité partielle

Les dispositifs d’activité partielle de longue durée (APLD) et de chômage partiel proprement dit fusionnent. L’expression « chômage partiel » est remplacée dans le Code du travail par « activité partielle ».

Le décret n° 2013-551 du 26 juin 2013 relatif à l’activité partielle fixe les modalités d'application du régime unifié d'activité partielle. Ces nouvelles dispositions s'appliquent à toute demande d'autorisation administrative préalable de placement en activité partielle déposée à compter du 1er juillet 2013.

La procédure d'autorisation administrative de mise en activité partielle et la demande d'indemnisation seront dématérialisées à compter d'une date fixée par arrêté (au plus tard le 1er juillet 2014).

- Cas de recours à l’activité partielle :

Les cas de recours demeurent essentiellement les mêmes.

L'employeur peut placer ses salariés en position d'activité partielle lorsque l'entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l'un des motifs suivants (art. R. 5122-1 C. trav.) :
1° La conjoncture économique ;
2° Des difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie ;
3° Un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ;
4° La transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise ;
5° Toute autre circonstance de caractère exceptionnel.

NB : Le chômage partiel-congés payés qui prévoyait l'attribution de l'allocation spécifique de chômage partiel au salarié dont l'entreprise fermait pour congés annuel et qui n'avait pas acquis suffisamment de droits à congés disparaît. Ce dispositif n'étant pas repris dans le décret du 26 juin 2013, il en résulte qu'à compter du 1er juillet 2013, aucune demande ne peut plus être déposée à ce titre.

- Durée de l’activité partielle :

Une autorisation d'activité partielle peut être accordée pour une durée maximale de 6 mois. Elle peut être renouvelée à condition que l'employeur souscrive des engagements (art. R. 5122-9, c. trav. I nouv.).

Le contingent annuel d'heures indemnisables par salarié reste fixé à 1000 heures (art. R. 5122-6 c. trav.; Arrêté 31/12/2009).

L'indemnisation au titre de l'activité partielle des salariés en arrêt de travail en raison de la fermeture temporaire de l'établissement n'est plus limitée à 6 semaines consécutives. Cette limite, qui figurait à l'article R. 5122-8, 3°du Code du travail, est supprimée par le décret du 26 juin 2013.

- Montant horaire des indemnités et allocations :

Le salarié en activité partielle perçoit de l'employeur une indemnité horaire correspondant à 70 % de la rémunération brute qu'il aurait perçue s'il avait continué à travailler, ramenée à un montant horaire sur la base de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, la durée collective ou stipulée au contrat de travail. Si des actions de formation sont mises en œuvre pendant les heures chômées, cette indemnité est portée à 100 % de sa rémunération nette (art. R. 5122-18 c. trav. nouveau).

Le taux horaire de l'allocation d'activité partielle perçue par l'employeur en compensation de l'indemnité versée au salarié est fixé à (art D. 5122-13 c. trav. modifié) :
•    7,74 € dans les entreprises de 1 à 250 salariés ;
•    7,23 € dans les entreprises de plus de 250 salariés.

Pour les salariés en contrat d'apprentissage ou de professionnalisation, l'allocation perçue par l'employeur ne peut pas être supérieure à l'indemnité horaire due au salarié (art. R. 5122-18 c. trav. nouveau).

 
La mobilité internte (article 15)

La loi ouvre aux employeurs la possibilité d’organiser la mobilité interne des salariés de l’entreprise, dans le cadre d’un accord collectif.

Une telle négociation est facultative. Elle porte sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne à l’entreprise dans le cadre de mesure collectives d’organisation courantes, et ce en dehors d’un projet de réduction des effectifs (art. L. 2242-21 c. trav.).

Ce type d’accord permettra à l’employeur d’opérer des changements de poste ou de lieux de travail au sein d’une même entreprise.

Le cadre de la négociation est fonction de l’effectif de l’entreprise :
-dans les entreprises et groupes d’au moins 300 salariés, la négociation sera intégrée à celle portant sur la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC) qui a lieu tous les trois ans ;
-dans les autres entreprises et groupes, la négociation sur la mobilité interne devra également porter sur les évolutions prévisionnelles des emplois et des compétences et sur les mesures susceptibles de les accompagner.

Les dispositions de l’accord de mobilité sont applicables au contrat de travail. Sous réserve de l’accord des salariés, elles prévalent sur les stipulations des contrats de travail relatives au lieu ou poste de travail.
Là encore, le ou les salariés qui refusent l’application à leur contrat de travail de l’accord de mobilité peuvent être licenciés pour motif économique et il s’agit d’un licenciement individuel même si plusieurs salariés refusent.

Bien qu’aucune limite d’effectif ne soit prévue pour mettre en place ce dispositif, la lourdeur de la procédure en fait un outil destiné aux structures d’une certaine envergure.

 

LES MODIFICATIONS EN MATIERE DE LICENCIEMENT ECONOMIQUE

La loi de sécurisation de l’emploi a réformé en profondeur les règles régissant les « grands licenciements économiques » (à savoir, les licenciements d’au moins 10 salariés en 30 jours dans une structure comptant au moins 50 salariés).

La principale nouveauté réside dans la possibilité pour l’employeur de passer par la voie de la négociation collective pour définir le contenu de son Plan de Sauvegarde de l’Emploi. Cette plus grande liberté a pour contrepartie une intervention accrue de l’administration.

La branche du sport étant majoritairement composée de petites structures, il ne nous apparaît pas opportun d’apporter de plus longs développements sur ce sujet.

Plus significative pour les employeurs du sport est la disposition relative aux critères d’ordre des licenciements, précisant que l’employeur peut privilégier un des critères (charges de famille, ancienneté, caractéristiques sociales, qualités professionnelles) à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères (art. L. 1233-5 c. trav. nouveau).

Toutefois, ce complément est purement formel, dans la mesure où il transpose dans le Code du travail un principe admis de longue date par la Cour de cassation (Cass. Soc. 14/01/1997, n°95-44.366).
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