Les apports en matière sociale de la loi de simplification du droit

En plus de consacrer légalement le télétravail, la loi de simplification du droit apporte un certain nombre de modifications ponctuelles au droit du travail.

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En plus de consacrer légalement le télétravail, la loi de simplification du droit apporte un certain nombre de modifications ponctuelles au droit du travail.

LA MISE EN PLACE DE LA MODULATION

Un arrêt de la Cour de cassation (Soc. 28/09/2010, n°08-43.161), que nous avions commenté, avait explicitement affirmé que la mise en place de la modulation du temps de travail, même résultant de l'application d'un accord collectif, était nécessairement subordonnée à l'accord du salarié. Cette jurisprudence, visant le temps plein modulé, avait été reprise à l'identique pour un temps partiel modulé (Soc. 28/09/2011, n° 10-19.076).

La loi de simplification du droit
crée dans le code du travail un article L. 3122-6 qui vient atténuer cette jurisprudence. Il dispose que "La mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail. Le premier alinéa ne s'applique pas aux salariés à temps partiel".

Des interrogations quant à l'interprétation de cet article peuvent être soulevées. En effet, il y a lieu de se demander si l'accord du salarié à temps plein auquel on souhaite appliquer une modulation n'est jamais requis dès lors qu'elle est prévue par accord collectif : la situation est-elle identique selon que l'accord collectif est nouveau et porteur de changement ou qu'il existe déjà depuis un certain temps mais que l'employeur n'a pas encore souhaité l'appliquer ?
La loi ne distinguant pas et les débats parlementaires faisant référence à la notion de changement des conditions de travail, l'on peut penser que cette disposition est générale. Néanmoins, l'article 5.2.2.1 prévoyant que le principe de la modulation dans le sport doit être stipulé au contrat de travail, il y a lieu de penser que l'accord du salarié est requis.


LES MODIFICATIONS ADMINISTRATIVES ET RELATIVES A LA PAIE

     - Déclaration et paiement dématérialisé des cotisations :

Les employeurs qui ont versé au moins 100 000 € de cotisations sociales en 2011 sont tenues à compter de 2012 d'effectuer leurs déclarations sociales et de payer ces cotisations par voie électronique. A partir de 2013, cette obligation s'appliquera aux structures qui auront versé un montant de cotisations d'au moins 50 000 € au titre de l'année précédente (art. L. 243-14 CSS).


     - Vers une simplification du bulletin de paie :

La loi de simplification du droit et à l'allègement des démarches administratives prévoit (art. 51) que le 1er janvier 2013 au plus tard, les définitions des assiettes des cotisations et contributions de protection sociale, de retraite complémentaire et d'assurance chômage seront harmonisées, afin de réduire le nombre de données figurant sur le bulletin de paie.


     - Vers une réduction du nombre des déclarations sociales :

Deux phases sont prévues dans le processus de fusion des déclarations sociales existantes : une phase volontaire de trois ans, avant d'arriver à une application obligatoire.

Ainsi, à compter du 1er janvier 2013, tout employeur (à l'exception de ceux utilisant le CESU et des employeurs d'assistantes maternelles agréées) pourra adresser par voie électronique à un organisme désigné par décret, une déclaration sociale nominative mentionnant pour chacun des salariés ou assimilés :
- le montant des rémunérations versées au cours du mois précédent ;
- les dates d'arrivée et de départ ;
- les dates de suspension et de reprise du contrat de travail ;
- la durée du travail.
Les modalités d'application de ce dispositif doivent encore être précisées par décret.

A compter du 1er janvier 2016, l'utilisation de la déclaration sociale nominative par voie électronique sera obligatoire.   


LE CONTRAT D'ENGAGEMENT EDUCATIF

La loi n°2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit (art. 124)  est venue modifier les articles du Code de l'action sociale et des familles (CASF) relatifs à la durée du travail des salariés sous contrat d'engagement éducatif (CEE).

Le dispositif existant (qui avait été censuré par le Conseil d’Etat en application de la jurisprudence européenne) est notamment modifié sur les points suivants :

- les titulaires de CEE se verront appliquer les dispositions du Code du travail relatives à la définition du travail effectif, aux temps de pause et au travail de nuit (hors durées maximales du travail), dont ils étaient jusqu'alors exclus (art. L. 432-2 CASF) ;
- ils bénéficieront également d'une durée hebdomadaire maximale du travail, fixée à 48 heures en moyenne sur une période de 6 mois consécutifs, les dispositions antérieures renvoyant en priorité à une convention ou à un accord de branche étendu le soin de fixer la durée du travail des titulaires de CEE étant abrogées (art. L. 432-4 CASF) ;
- enfin, ils pourront prétendre à un repos quotidien de 11 heures consécutives, pouvant toutefois être supprimé ou réduit (sans pouvoir être inférieur, dans ce dernier cas, à 8 heures) moyennant l'octroi, dans des conditions à préciser par décret, d'un repos compensateur égal à la fraction de repos dont ils ont été privés (art. L. 432-5 CASF).

A défaut d'entrée en vigueur spécifique, l'article 124 de la loi s'applique à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel (soit le 24/03/2012).
Par exception toutefois, l'entrée en vigueur des dispositions relatives à la suppression ou à la réduction du repos quotidien est reportée à la parution du décret devant en définir les modalités d'application.

En tout état de cause, le nouveau texte n'a pas pour effet de sécuriser les périodes antérieures.


UNE HARMONISATION DES SEUILS D'EFFECTIFS

Dans l'objectif de simplifier le droit du travail, la loi est venue harmoniser la formulation des règles relatives aux seuils d'effectifs. Désormais et sauf oublis, les articles du code du travail faisant référence à un seuil sont rédigés selon le libellé suivant : "au moins N salariés". Cette expression remplace notamment celle s'exprimant en "N salariés et plus".


L'OUVERTURE IMMEDIATE DU DROIT A CONGES PAYES

L'article 50 de la loi de simplification du droit a modifié l'article L. 3141-3 du Code du travail de manière à permettre l'ouverture du droit à congés payés des salariés dès leur premier jour de travail.

Cette disposition vise à mettre en conformité le droit national avec le droit communautaire (art. 7 de la directive 2003/88/CE du 4/11/2003) selon lequel le droit au congé payé annuel de ne peut être subordonné à aucune condition particulière. La condition de 10 jours effectifs de travail minimum auprès du même employeur qui avait déjà été condamnée par le juge communautaire (CJUE, 24/1/2012, aff. 282/10) est ainsi supprimée.

L'entrée en vigueur de cette disposition est toutefois différée au premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi. Elle s'appliquera donc au 1er juin 2012. Cette date a l'avantage de coïncider avec le début de la période de référence des congés 2013 (1er juin 2012 - 31 mai 2013) pour les entreprises appliquant la période de référence légale.


L'ALLEGEMENT DES CONDITIONS D'INDEMNISATION DES JOURS FERIES

Le nouvel article L. 3133-3 du Code du travail stipule que « le chômage des jours fériés ne peut entraîner aucune perte de salaire pour les salariés totalisant au moins trois mois d’ancienneté dans l’entreprise ou l’établissement ».

Jusqu'à présent, la rémunération des jours fériés était également subordonnée au fait d'avoir accompli au moins deux cents heures de travail au cours des deux mois précédant le jour férié considéré et d'avoir été présent le dernier jour de travail précédant le jour férié et le premier jour de travail qui lui fait suite, sauf autorisation d'absence préalablement accordée.

Les salariés travaillant à domicile, les saisonniers, les intermittents (ce qui englobe, selon la DGT, les CDII) ainsi que les salariés temporaires demeurent exclus de cette disposition.


MODIFICATION DU DELAI DE NOTIFICATION D'UNE SANCTION

Le délai minimum qui doit s’écouler, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, entre l’entretien préalable et la sanction, passe d’un jour franc à deux jours ouvrables (art. L. 1332-2 C. trav.).


SUPPRESSION DU PREAVIS EN CAS DE LICENCIEMENT POUR INAPTITUDE NON PROFESSIONNELLE

En cas de licenciement pour inaptitude non professionnelle, la loi rend effective la rupture du contrat de travail dès la notification du licenciement (art. 1226-4  C. trav.). Par cette disposition, le législateur remédie à la situation des salariés licenciés pour inaptitude non professionnelle qui, jusqu’à présent, ne pouvaient prétendre jusqu’à la fin du préavis ni à une rémunération, faute de pouvoir effectuer le préavis, ni aux allocations chômage, la rupture n’étant effective qu’après le préavis.

Toutefois, à la différence du salarié licencié pour cause d'inaptitude professionnelle, le salarié licencié pour cause d'inaptitude non professionnelle ne peut prétendre au versement d'une indemnité compensatrice de préavis, sauf si la convention collective prévoit une telle indemnité (ce qui n’est pas le cas de la CCNS) ou encore si le licenciement pour inaptitude non professionnelle est injustifié, en raison du non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement. La Cour de cassation accorde alors au salarié une indemnité compensatrice de préavis (Soc. 7/3/2012, n° 10-18.118).

Enfin, la loi stipule que le préavis est pris en compte pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement. L'ancienneté du salarié servant de paramètre au calcul de l'indemnité de licenciement devra donc intégrer la durée du préavis que le salarié aurait dû effectuer s'il avait été présent (alors qu’en cas d’inaptitude d’origine professionnelle, l'ancienneté s'arrête à la date de notification du licenciement).


NOUVELLES REGLES DE MISE A JOUR DU DOCUMENT UNIQUE DANS LES TPE

L’article L. 4121-3 du Code du travail impose à l’employeur d’évaluer les risques pour la santé et la sécurité présents dans l’entreprise et auxquels peuvent être exposés les salariés afin de mettre en œuvre des actions de prévention et des méthodes de travail garantissant un meilleur niveau de protection.

En application de l’article R. 4121-1 du même Code, il doit transcrire les résultats de cette évaluation dans un document unique. Ce document doit être mis à jour au moins chaque année ainsi que lors de toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, ou lorsqu’une information supplémentaire intéressant l’évaluation d’un risque est recueillie (art. R. 4121-2 C. trav.).

Afin d’apporter plus de souplesse aux très petites entreprises, l’article L. 4121-3 précité est complété afin de préciser que la mise à jour des documents prévus pour la mise en œuvre de l’obligation d’évaluation, en pratique le document unique d’évaluation, pourra être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Un décret pris après avis des organisations professionnelles concernées fixera les conditions d’application de ces nouvelles dispositions, dont l’entrée en vigueur est en conséquence différée jusqu’à l’intervention de ce texte.

Pour plus de précisions sur le document unique, nous vous invitons à consulter notre fiche pratique sur l’obligation de sécurité de l’employeur.


L'INFORMATION RENFORCEE DE L'EMPLOYEUR EN CAS DE VERBALISATION PAR L'INSPECTION DU TRAVAIL

D’après l’article 55 de la loi, l’inspecteur ou le contrôleur du travail qui constate une infraction pénale devra informer la personne incriminée des faits susceptibles de constituer cette infraction pénale ainsi que des sanctions encourues avant transmission des procès-verbaux au procureur de la République (art. L. 8113-7 C. trav.).

Auparavant, l’agent de contrôle avait pour seule obligation de communiquer à l’employeur les procès-verbaux d’infractions à la durée du travail.


CONTROLE URSSAF ET RESCRIT SOCIAL

Les articles 38 (pour le régime général) et 39 (pour le régime agricole) étendent le champ du rescrit social et clarifient, par ailleurs, les différents délais de réponse des organismes destinataires des demandes.

Désormais, les demandes que les cotisants (ou futurs cotisants) employeurs, agricoles ou non agricoles, peuvent adresser aux URSSAF dans le cadre de la procédure de rescrit social pourront également porter sur :
-    les cotisations et contributions dues sur les rémunérations mentionnées à l'article L. 242-1-CSS, c'est-à-dire sur les sommes ou avantages alloués à un salarié par des tiers en contrepartie d'une activité accomplie dans leur intérêt ;
-    les règles de déclaration et de paiement des cotisations.

Les organismes restent tenus de répondre dans un certain délai (3 mois actuellement : art. R. 243-43-2 CSS).

L'absence de notification de la décision de l'organisme entraîne l'impossibilité de tout redressement de cotisations ou de contributions sociales sur le fondement de la législation au regard de laquelle devait être appréciée la situation de fait exposée dans la demande, au titre de la période comprise entre la date à laquelle le délai a expiré et la date de notification de la réponse explicite (art. L 243-6-3, al. 8 CSS).

La nouveauté introduite par la loi réside dans le fait qu'il est désormais prévu que certaines demandes présentées puissent faire l'objet d'une décision d'acceptation tacite de la part de l'organisme de recouvrement ou de protection sociale quant à l'application de la législation à la situation particulière qui lui est présentée. Les modalités de cette acceptation tacite doivent être fixées par décret en Conseil d'Etat.

L'objectif poursuivi est de permettre aux demandeurs de connaître plus rapidement leur situation au regard de la législation sociale.




 
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