L’employeur doit prouver qu’il a mis le salarié en mesure de prendre ses congés payés
Dans un arrêt du 13 juin dernier (n° 11-10.929), la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence sur le fondement notamment de la directive communautaire 2003/88 CE, en affirmant qu’eu égard à la finalité des congés payés « il appartient à l’employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu’il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement ».
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Dans l’affaire d’espèce, un salarié n’avait pas bénéficié, pendant cinq ans, de la prise effective de ses congés payés, mais percevait tous les mois une majoration de 10% au titre des congés payés dont la mention apparaissait sur le bulletin de paie. Le salarié a ainsi demandé réparation du préjudice subi résultant de la privation de congés annuels. La Cour d’appel lui a donné tort, en retenant d’une part que les congés lui avaient été payés et d’autre part qu'il ne démontrait pas s’être trouvé dans l’impossibilité de prendre ses congés annuels.
La Haute juridiction sanctionne ce raisonnement en affirmant que « le versement d’une indemnité ne peut suppléer la prise effective des congés et qu’il ressortait de ses contestations que l’employeur ne justifiait pas avoir satisfait à ses obligations ». Il résulte de cet attendu deux solutions majeures.
En premier lieu, les juges dissocient le paiement et la prise effective des congés payés en s’alignant sur la position de la CJUE qui a fait du droit au congé annuel payé un principe général du droit communautaire revêtant une importance particulière, garantissant un droit au repos effectif, dans un souci de protection efficace de la sécurité et santé du salarié (CJCE, 6 avril 2006, aff. C-124/5, point 29).
Il ne s’agit pas là d’une position nouvelle de la juridiction nationale qui avait plusieurs fois affirmé qu’en dehors de l’hypothèse de la rupture du contrat de travail justifiant le versement d’une indemnité compensatrice de congés payés, le principe était la prise des congés acquis.
Dans ce contexte, il convient de se demander si le versement mensuel d’une majoration de 10% au titre des congés payés est possible dès lors que le principe du lissage des congés a été acté dans le contrat de travail, comme cela avait été affirmé par une jurisprudence antérieure (Soc., 2/04/1997 n° 95-42.320 et 95-42.329). En effet, dans l’arrêt du 13 juin, les juges ne précisent pas que le versement d’une indemnité peut suppléer la prise effective des congés payés en cas de stipulation contractuelle expresse allant dans ce sens.
En second lieu, c’est désormais sur l’employeur que pèse la charge de la preuve de ce qu’il a mis le salarié en mesure de prendre ses congés, et non pas au salarié qui réclame des dommages et intérêts pour congés non pris (ce qui avait été précédemment affirmé : soc., 14 janvier 2004, n° 02-43.575, notamment). L’arrêt étant rendu au visa des articles D. 3141-5 et D. 3141-6 du Code du travail, il semble que les « obligations » de l’employeur auxquelles les juges font référence soient l’obligation d’informer les salariés de la période de prise des congés payés au moins deux mois avant l’ouverture de cette période, ainsi que l’obligation de communiquer à chaque salarié l’ordre des départs en congés au moins un mois avant, ainsi que d’afficher celui-ci dans les locaux accessibles aux travailleurs.