Recours à un «auto-entrepreneur» : rappel du risque de requalification en contrat salarié
Le COSMOS sensibilise depuis plusieurs années ses adhérents face à la tentation de contourner le statut de salarié en ayant recours aux indépendants et/ou aux auto-entrepreneurs. Cet article fait le point sur la jurisprudence de la Cour de cassation, sévère sur cette pratique.
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En préambule, il convient de rappeler que le salariat se caractérise par différents éléments et doit être distingué du bénévolat et du travail indépendant.
La Cour de cassation affirme de manière constante sa plus grande intransigeance quant à l’utilisation du statut de travailleur indépendant/auto-entrepreneur.
Dès lors, les employeurs du sport doivent faire preuve de la plus grande vigilance. Le COSMOS a déjà rappelé à de nombreuses reprises les risques induits par le recours aux travailleurs indépendants/auto-entrepreneurs, notamment dans un précédent article d’actualité.
Pour rappel, le statut d’auto-entrepreneur, créé par la loi de modernisation de l’économie en 2008 rattache ce dernier au régime d’un travailleur indépendant et s’accompagne d’une présomption légale de non-salariat (C. trav., art. L. 8221-6).
Il s’agit toutefois d’une présomption simple : l’existence d’un contrat de travail peut être établie lorsque l’auto-entrepreneur est en réalité placé « dans un lien de subordination juridique permanente » à l’égard du donneur d’ordre (C. trav., art. L. 8221-6, II).
En effet, la Cour de cassation se montre particulièrement vigilante à l’égard des tentatives de contournement des obligations incombant à l’employeur, requalifiant par exemple en contrat de travail le contrat de mission d’un auto-entrepreneur qui, dans les faits, était astreint au respect d’un planning quotidien précis, tenu d’assister à des entretiens et réunions, soumis à des objectifs annuels et qui était tenu de respecter différentes procédures imposées par l’entreprise (Cass. soc., 6 mai 2015, nº 13-27.535).
Avait également donné lieu à une condamnation pénale pour travail dissimulé, le fait d’employer d’anciens salariés sous le statut d’auto-entrepreneur et de leur faire réaliser les mêmes tâches, dans un lien de subordination juridique permanente (Cass. crim., 15 décembre 2015, nº 14-85.638).
Le COSMOS évoque également le cas de moniteurs de tennis, exerçant sous le statut d’indépendant, ayant obtenu une requalification en contrat de travail, devant la Cour d’appel de Montpellier.
Dans une affaire portée devant elle le 7 juillet 2016, la Cour de cassation, pour caractériser le lien de subordination juridique permanente et l’existence d’une relation de salariat, relève différents éléments :
– les formateurs concernés étaient liés par un contrat « de prestations de services » à durée indéterminée ;
– ils exerçaient leur activité dans les locaux de la société ;
– les élèves demeuraient la clientèle exclusive de la société ;
– l’enseignant n’avait aucune liberté pour concevoir ses cours, ceux-ci étant dispensés selon un programme fixé par la société ;
– les contrats prévoyaient une clause de non-concurrence d’une durée d’un an après la résiliation, interdisant aux formateurs de proposer leurs services directement aux clients présentés par la société ;
– la société était mandatée par les auto-entrepreneurs pour réaliser l’ensemble des formalités administratives liées à ce statut, émettre des factures correspondant au montant des prestations réalisées et effectuer en son nom les déclarations trimestrielles de chiffre d’affaires et le paiement des charges sociales et fiscales.
Dès lors, ces indices étaient de nature à remettre en cause le caractère d’indépendance de ces personnes, et à les placer dans un lien de subordination avec la société, employeur de fait.
Ces éléments peuvent naturellement être transposés au secteur du Sport, à l’image du cas des moniteurs de tennis, évoqué précédemment.
Ainsi, si une association ou un club de sport a recours à un travailleur indépendant, un fort risque de requalification en contrat de travail, rappel de cotisations sociales et condamnation pénale existe si, par exemple :
- L’indépendant (ou auto-entrepreneur) exerce dans les locaux utilisés par le club ;
- Les adhérents du club constituent la clientèle de cet indépendant ;
- Le club (et non la clientèle) rémunère directement cet indépendant ;
- L’indépendant est soumis à un planning, à un pouvoir disciplinaire de l’employeur.
Cette situation emporte plusieurs conséquences pour le le donneur d’ordre (employeur de fait) :
- En matière de cotisations sociales, il devra les cotisations sociales sur sommes versées aux auto-entrepreneurs (requalifiées en salaire) à l'URSSAF (risque social) ;
- Sous l’angle du droit du travail, les parties seront liées par un CDI (risque prud'homal) ;
- Le donneur d’ordre encourt par ailleurs une amende pour travail dissimulé (risque pénal).
Aussi, en raison de la particulière intransigeance des juges dans ces contentieux, il convient d’observer la plus grande prudence quant au recours aux travailleurs indépendants, au risque de s’exposer à des sanctions particulièrement lourdes.
Le service juridique du COSMOS se tient à votre disposition pour répondre à vos interrogations par le biais de la plateforme juridique et tous les matins de la semaine lors de la permanence juridique.