Mise à pied conservatoire et procédure pénale

Dans un arrêt du 4 décembre 2012 (n° 11-27.508), la Cour de cassation se prononce sur le cas particulier de la mise à pied conservatoire du salarié faisant l'objet de poursuites pénales pour les mêmes faits que ceux que l'employeur entend sanctionner.

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Dans un arrêt du 4 décembre 2012 (n° 11-27.508), la Cour de cassation se prononce sur le cas particulier de la mise à pied conservatoire du salarié faisant l'objet de poursuites pénales pour les mêmes faits que ceux que l'employeur entend sanctionner.

En principe, l'employeur envisageant de sanctionner un salarié est tenu d'engager la procédure disciplinaire dans un délai maximal de deux mois à compter du jour où il a connaissance des faits fautifs reprochés à l'intéressé (art. L 1332-4 C. trav.). S’il estime que les fautes le justifient, il peut écarter le salarié de l'entreprise dans l'attente d'un éventuel licenciement, en prononçant sa mise à pied immédiate à titre conservatoire. Cette mesure doit être suivie immédiatement ou dans un bref délai de l'engagement de la procédure disciplinaire. A défaut, la mise à pied revêt un caractère disciplinaire de sorte que l'employeur, auquel il est interdit de sanctionner deux fois les mêmes faits (par application du principe non bis in idem), ne peut ensuite prononcer un licenciement pour faute.
De plus, la perte de salaire accompagnant généralement la mise à pied conservatoire ne sera au final justifiée que si le licenciement est prononcé pour faute grave ou lourde.

En l'espèce, une salariée, directrice d'une association, a été interpellée et placée en garde à vue, dans le cadre d'une enquête préliminaire du chef d'abus de confiance et d'usage de faux au préjudice de son employeur. Ce dernier décide de la mettre à pied à titre conservatoire pour la durée de la procédure pénale. Environ trois mois plus tard, elle a été déclarée coupable par le Tribunal correctionnel. L’employeur décide alors de la licencier pour faute lourde.

Entre temps, la salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur au motif qu'il ne lui versait plus son salaire depuis trois mois et avait saisi la juridiction prud'homale notamment pour faire juger que sa prise d'acte devait avoir l'effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et demander des dommages et intérêts.

La Haute juridiction censure la décision de la Cour d’appel, qui avait admis que la prise d’acte devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement des articles L. 1332-3 et L. 1332-4 du Code du travail, au motif que « lorsque les faits reprochés au salarié donnent lieu à l'exercice de poursuites pénales l'employeur peut, sans engager immédiatement une procédure de licenciement, prendre une mesure de mise à pied conservatoire si les faits le justifient ».

Il convient de souligner que la mise à pied doit être rendue indispensable par les faits reprochés au salarié. La circonstance que celui-ci fasse l'objet de poursuites pénales ne devrait pas être suffisante, en elle-même, pour justifier une telle mesure conservatoire. En effet, les juges précisent que les faits doivent le justifier, c’est-à-dire qu’il doivent être suffisamment graves pour priver le salarié de rémunération pendant une période qui pourra s’avérer relativement longue.

Si cette jurisprudence permet à l’employeur d’écarter le salarié le temps de la procédure pénale sans prendre le risque de voir le licenciement privé de cause réelle et sérieuse en cas de relaxe du salarié, les employeurs devront toutefois recourir à la mise à pied à titre conservatoire dans de telles circonstances avec prudence. En effet, rappelons que si la mise à pied n’est pas suivie d’un licenciement (pour faute grave ou lourde), l’employeur devra verser au salarié la rémunération afférente à la période de suspension du contrat.
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